Französische Presseartikel

 

Diapason N°6 - 08. Decembre 2012

Johann Georg Reutter - Arie et sinfonie

Jean-Luc Macia

Organiste  et compositeur comme son père, Reutter le Jeune fut, comme lui, attaché quasiment toute  sa  vie  à  la cour de Vienne, où il occupa le poste de second puis premier maître de chapelle. A maconnaissance voici le premier disque entièrement consacré à sa musique : quelques pages instrumentales s’y mêlent  à  des  arias  pour mezzo  extraites d’opéras ou  d’oratorios. Celles-ci déploient une virtuosité décorative où l’influence italienne (Leo, Porpora) est évidente, et se distinguent par l’originalité de leurs  accompagnements: non  seulement la partie instrumentale en impose (introductions amples, discours souvent en opposition à la mélodie vocale) mais le psaltérion y tient (du moins dans les airs retenus  ici)  une  part  prépondérante, concertante et pittoresque. Elisabeth Seitz fait étinceler et résonner son instrument dans le ravissant « Venga l’età » et le passionné « Fra deserti », tandis qu’Olivia Vermeulen anime ses lignes avec des accents fermes – un peu durs, parfois. Une voix plus charnue et un cantabile plus conduit n’auraient pas été de trop. Mais l’intérêt premier du disque est bien dans ce répertoire méconnu du psaltérion, sur lequel un disque Caldara (Ramée) et le fantastique duo de Margit Ubellacker et Aline Zylberajch (Ambronay) levaient le voile il y a quelques années. Sans compter les déclinaisons multiples de la  « sauce » Arpegiatta (ensemble dans lequel officie Elisabeth Seitz). Deux sinfonias, la première décapante et enlevée, la seconde plus neutre, sont complétées par un ravissant Pizzicato (fragment d’une oeuvre perdue, où nous séduit un violon solo survolant les arabesques des autres cordes pincées) et par un concerto pour clarino assez sage dont le mouvement lent, fort poétique, est réservé aux seules cordes, comme souvent  à  l’ère baroque. Mené par  le  violoniste Florian Deuter et le claveciniste Attilio Cremonesi, Nuovo Aspetto défend avec competence cette musique étrange et peu banale.

Forumopera.com - 26. November 2011

Plus de rhétorique que d'émotion

par Laurent Bury

Kapellmeister à la cour de Vienne, Johann Georg Reutter (1708 - 1772) eut notamment l’occasion d’auditionner et de recruter les deux jeunes frères Haydn en tant que petits choristes. C’est principalement dans la musique d’église qu’il trouva son domaine d’élection, mais comme tout compositeur de son siècle, il se devait de produire des opéras, et il a donc à son actif une quarantaine d’oeuvres lyriques conçues au cours de trois décennies. Le premier, Archidamia, date de 1727, alors qu’il n’avait pas vingt ans : c’est une oeuvre de circonstance pour la fête de l’épouse de l’empereur Charles VI ; en 1729, pour l’anniversaire de l’empereur lui-même, il composa La Magnanimità di Alessandro, « festa da camera ». Ces deux oeuvres s’appuient sur des livrets de Pasquini, qui concoctera également le texte d'Alessandro Il Grande, toujours pour l’anniversaire de Charles VI, en 1732. Avant de partir pour l’Italie, Reutter livre encore un « dramma per musica », Alcide. A son retour de Venise et Rome, il renoue avec la composition d’oratorios, dont La Divina Provvidenza in Ismaele (1732) est un exemple. De 1734 date La Betulia liberata, « azione sacra » dont le texte, signé Métastase, nous est familier grâce à la version qu’en donnerait Mozart en 1771, parmi la trentaine de compositeurs qui s’y sont attaqués après Reutter. Toutes ces arias composées en moins de dix ans semblent quelque peu

interchangeables, et il paraît peu probable que la production lyrique de Reutter fasse prochainement l’objet d’une réhabilitation qui la remettrait sur le devant de la scène.

La caractéristique la plus notable de ces airs est l’emploi quasi systématique du psaltérion, instrument dont deux virtuoses étaient alors présents à Vienne. Grâce à Maximilian Heilmann et Johann Baptist Gumpenhueber, le psaltérion fut à l’honneur pendant une trentaine d’années à la cour. On saluera donc la prestation d’Elisabeth Seitz qui brille dans tous les passages en solo offerts à cet instrument aux sonorités métalliques.

Ces musiques pas toujours franchement mémorables sont confiées à une interprète dont la qualité du timbre suscite d’emblée l’intérêt de l’auditeur. La mezzo néerlandaise Olivia Vermeulen se produit principalement en Allemagne (au Komische Oper de Berlin, elle a notamment incarné le personnage principal de Die rote Zora, « opera familial » d’Elisabeth Naske, d’après le roman pour enfants et la série télévisée Zora la rousse), mais on l’a vue récemment à Lyon en alternance dans le rôle-titre de L’Enfant et les sortilèges, et elle sera Hänsel dans l’opéra de Humperdinck à Arras et à Reims en novembre prochain après l'avoir été fin août dans le cadre du Festival de Sédières. On goûte ici toute l’agilité dont elle est capable, pliant un timbre charnu à de gracieuses vocalises. Oliva Vermeulen est toujours soucieuse de beauté du son, mais peut-être aurait-il fallu qu’elle se risque à conférer une charge émotionnelle plus grande encore dans ces airs pour en mettre en relief les beautés (le texte ne l’aide guère, car leur rhétorique abstraite tourne souvent à la leçon de morale). On retiendra néanmoins l’extrait d’Alcide, « Soletto al mio caro », et l’impressionnant « Fra deserti e vaste arene », avec son accompagnement suggestif où l’ensemble Nuovo Aspetto fait prevue d’une belle expressivité.

 

Classic Today France - Octobre 2010

Johann Georg Reutter - Arie e Sinfonie.

Christophe Huss

Ce Johann Georg Reutter (1708-1772) est une sorte de Vivaldi autrichien. Inutile de dire que s'il a fait un voyage à Venise à l'âge de 22 ans il en a été très impressionné!

Telle que réalisée dans cet enregistrement, la musique (accompagnement des airs) de Reutter se distingue par l'usage d'un psaltérion, que l'on présente universellement comme un ancêtre du clavecin, mais dans lequel je vois ici un cousin de ce qu'on connait sous le vocable autrichien Hackbrett (et que Johann Strauss mit en musique dans les Légendes de la forêt viennoise). Cela évoque le cymbalum hongrois, qui est un instrument plus complexe cependant. Vivaldi avec un instrument traditionnel autrichien donc!

En tous cas aucune des ces oeuvres nie son ascendance italienne, à commencer par une efficace et décapante Sinfonia en ré (pas de développements: la chose est emballée en 4mn19!). L'oeuvre la plus difficile est ici un concerto pour trompette, joué avec panache sur une trompette naturelle. La mezzo, elle, est excellente sans toutefois égaler les grandes vedettes du métier.

Mais vous l'avez compris, ce qui importe, c'est la découverte du compositeur. Et, de ce point de vue, Reutter est généreux: La Sinfonia en ré, le movement Pizzicato, la place du psaltérion, l'"Andante e piano" du Concerto, l'air Fra Deserti... on n'arrête pas de pouvoir énumérer des temps forts. C'est l'une des découvertes de l'année, assurément.